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Sémantique du terme religion

Dans le latin de l'Antiquité, comme l'atteste une expression de Cicéron, il était possible de considérer que « chaque cité a sa religion ». En ce sens, une religion concerne traditions, coutumes et cultes d'un peuple particulier ou des citoyens d'une ville. Dans l'antiquité tardive, alors que le christianisme se développait et que des auteurs chrétiens réclamaient qu'il doit, lui aussi, considéré comme une religion, cette façon d'envisager des religions s'éclipse progressivement au profit d'une considération déjà présente avant le christianisme selon laquelle la religion est le fait de s'occuper d'une nature divine supérieure à l'homme. En ce sens, depuis l'Antiquité jusqu'au seuil de l'époque moderne, le terme religion au singulier désignait une vertu. Avec Cicéron, Augustin ou Thomas d'Aquin, la religion pouvait ainsi se comprendre comme une disposition humaine à connaître une nature supérieure, lui rendre le culte qui convient et chercher à agir selon ses lois. La religion ainsi envisagée est présente partout où se trouve l'humanité et n'a pas d'assise territoriale particulière. Durant le Moyen Âge, il était aussi possible de parler de « religions » au pluriel. Ce qui était ainsi désigné étaient les ordres religieux, c'est-à-dire principalement les communautés de moines ou de moniales.

Du XIIe au XIVe siècle, les textes dans lesquels le judaïsme, le christianisme et l'islam sont envisagées comme des choses équivalentes ne parlent pas de « religions » mais, par exemple, de trois « croyances » (créent) dans le catalan de Raymond Lulle ou de trois « lois » (l'Égée) dans l'italien de Boccace. En ce qui concerne ce qui s'appelle alors religion, l'idée était plutôt que la religion est une, qu'elle est susceptible d'erreurs appelées hérésies, ou bien qu'elle est inconnue et, dans ce cas, il s'agit de paganisme.

Le terme religion change d'acception à partir du XVIe siècle, moment auquel les Européens commencent à connaître une forme de pluralisme religieux. D'une part l'islam leur était mieux connu et apparaissait davantage comme « une autre religion » que comme une hérésie ou du paganisme ; d'autre part, il fallait un mot pour désigner les multiples confessions ou Églises issues des réformes religieuses du XVIe siècle. Celles-ci ont alors commencées à être désignées comme « des religions ». Dès lors, une religion est vue comme ensemble de pratiques et de croyances d'une communauté. La réflexion moderne sur la religion qu'inaugure ensuite la philosophie des Lumières et qui se prolonge dans les sciences des religions suppose qu'il y aurait comme une essence de la religion commune à toutes les religions du monde et de l'histoire.

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